Le musée de Bagnols-sur-Cèze, né de la volonté d’un érudit local, historien, archéologue mais aussi peintre et dessinateur, a connu une évolution pour le moins étonnante. Créé en 1854 par Léon Alègre, il est d’abord une bibliothèque-musée regroupant des collections relatives à l’histoire naturelle, l’agriculture, l’industrie, l’archéologie, les arts décoratifs et les beaux-arts.
Avec l’arrivée à sa tête d’Albert André – peintre postimpressionniste et ami d’Auguste Renoir – il devient le premier musée d’art moderne en Province après avoir été le premier musée cantonal français. Les collections rassemblées par cet artiste lyonnais attaché à Laudun, dans le Gard, par son père, vont permettre à de nombreux artistes contemporains de participer à l’enrichissement de l’établissement suite à un incendie survenu en 1924. C’est alors qu’entrent au musée des œuvres de Rodin, Valtat, Boudin, Pissarro, Bonnard, Camoin, Cross, Denis, Gauguin, Renoir, Marquet, Signac, Vallotton, Manguin, Matisse, Monet, Vuillard…
Á son décès, sa fille adoptive – également peintre – assure la relève. C’est ainsi que, de 1954 à 1979, Jacqueline Bret-André dirige le musée et continue l’œuvre de son père. C’est sous sa direction que le fonds permanent s’enrichit des œuvres données par Adèle et George Besson en 1963 à l’État, sous réserve de leur répartition entre les musées de Besançon et de Bagnols-sur-Cèze. George Besson, troisième personnage essentiel dans la constitution du fonds bagnolais, est un ami d’Albert André, chef d’entreprise devenu critique d’art. En 1972, après le vol des toiles les plus emblématiques réunies par Albert André, les œuvres entrées dans le fonds permanent grâce à lui deviennent les pièces maîtresses de l’établissement.
Pour autant, l’histoire ne s’arrête pas là. Jacqueline Bret-André, devenue Jacqueline Besson en 1971, continue d’enrichir les collections publiques françaises. Ce que l’on sait moins, c’est que, si la ville de Bagnols-sur-Cèze profite encore de ses libéralités, le Département du Gard reçoit également des œuvres : des toiles d’Albert André mais aussi des œuvres d’Auguste Renoir et de Valtat entrent au musée laïque d’art sacré du Gard en vue de leur dépôt, à terme, dans les collections bagnolaises.
Au total, ce ne sont pas moins de 1506 peintures, sculptures, dessins et céramiques qui sont donnés aux deux collectivités.
Loin d’être connu comme il le devrait, ce fonds exceptionnel mérite d’être valorisé tout comme l’action menée par ces différents acteurs passionnés. De Léon Alègre, qui souhaitait instruire les masses laborieuses, à George Besson qui, ami d’Aragon et critique d’art engagé, a désiré « mettre en accord ses actes avec ses principes », ce sont plus de 90 ans de travail pour l’instruction et la défense de l’art que dévoile cette double exposition.