Le musée départemental des arts asiatiques à Nice a enrichi en 2021 ses collections indiennes par l’acquisition de cinq miniatures, dont une représente Râma, Sîtâ et Lakshmana dans les bois d’ascèse.
Le sujet de cette miniature, peinte vers 1830, est emprunté au deuxième chant du Râmâyana, la « geste de Râma », septième avatar de Vishnu. Ce poème épique, texte fondateur de l’hindouisme, compte quelque 24 000 distiques (shlokas) répartis en sept chants. Transmis oralement, il a été rédigé en sanskrit par un auteur unique présumé du nom de Vâlmîki, aux environs du début de notre ère.
Le prince Râma, banni d’Ayodhyâ pendant quatorze ans par son père le roi Dasharatha, trouve refuge avec son épouse Sîtâ et son frère Lakshmana dans les « bois d’ascèse » du mont Chitrakûta. Tous trois sont vêtus du valkala, vêtement rustique de feuillage et d’écorce porté par les ascètes et les anachorètes. Râma et Sita sont assis sur une peau d’antilope devant leur hutte, face à Lakshmana agenouillé. La peau sombre de Râma, ici teinte en bleu, indique sa nature d’avatar. Il a posé son carquois à même le sol et s’adresse avec un geste éloquent à son frère qui porte encore ses armes. La scène est empreinte d’une grande sérénité : au premier plan, une antilope est paisiblement allongée au bord d’une rivière ; un paysage vallonné se déploie à l’arrière-plan, agrémenté trois grands arbres dont l’un porte des lianes fleuries. Rien ne laisse présager l’enlèvement de Sîtâ par Râvana, le roi des démons (râkshasas) ni la bataille qui s’ensuivra, permettant à Râmâ de rétablir l’ordre cosmique un temps menacé, épisodes narrés dans les quatre chants suivants de l’épopée. La scène est encadrée d’une frise florale sur fond bleu, elle-même soulignée d’une bordure aux tons rouges.
Dès la fin du XVIe siècle, le Râmâyana est abondamment illustré par les écoles de peinture de tradition râjpoute dans les royaumes du Râjasthân, de l’Inde centrale et du Pendjâb (nord-ouest de l’Inde). Les miniatures produites dans ces ateliers participent de la renaissance des cultes rendus à deux des avatars principaux de Vishnu, Râma et Krishna, et exaltent la dévotion religieuse (bhakti) ainsi que le sentiment amoureux (shringâra rasa). Les peintres de Guler et de Kangra ont illustré des cycles de la geste de Râmâ jusque dans la première moitié du XIXe siècle.
À l’occasion de son exposition future dans les collections permanentes du musée départemental des arts asiatiques, cette miniature figurant une scène du Râmâyana entrera en écho avec les œuvres indiennes évoquant l’art de cour, la sensualité féminine et le panthéon hindouiste.