Cet automne, la ville de Grasse a réalisé deux acquisitions importantes pour l’histoire du territoire et de ses musées, grâce aux préemptions de l’Etat.
Le musée d’Art et d’Histoire de Provence a acquis une boiserie d’alcôve du XVIIIe siècle dont l’histoire revêt une importance toute particulière. Il s’agit en effet d’un élément de boiserie polychrome destiné à l’une des chambres de l’hôtel de Clapier-Cabris, construit à Grasse entre 1770 et 1774 par le marquis de Cabris et son épouse Louise de Mirabeau, et qui abrite aujourd’hui le musée.
Durant l’époque révolutionnaire, les déboires financiers de la famille de Cabris conduisent ses ayants-droits à louer l’hôtel au parfumeur Jean-Jacques Fargeon. Mais la mort du marquis en 1813, entraîne la vente forcée de l’hôtel, adjugé aux parfumeurs Bruery. Leurs héritiers le convertissent en immeuble de rapport. Paul-Marie Mottet, qui hérite de l’hôtel en 1909, se dessaisit d’une partie de son contenu. Mobilier, boiseries et archives sont vendus, donnés ou même détruits. Cette boiserie a quitté l’hôtel à une date inconnue. Elle est signalée chez un antiquaire de Paris en 1950-1952, et a depuis été installée dans une résidence particulière dans la région d’Agay, avant de ressurgir sur le marché de l’art cet automne. Cette acquisition s’inscrit dans le projet scientifique et culturel du musée en cours de finalisation, dont l’un des axes principaux s’articule autour de la vie aristocratique en Provence au XVIIIe siècle.
En parallèle, une seconde acquisition a été réalisée par le musée international de la Parfumerie. Il s’agit d’une toile de Marguerite Gérard (1761-1837), peintre originaire de Grasse et belle-sœur de Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). Cette œuvre présente un double intérêt pour Grasse, du fait de son auteure mais également de son sujet puisqu’elle figure le portrait du couple Artaud : Joseph Artaud (1721-1821) et Marie Aimare Pons (1733-1821). Marchand parfumeur, Joseph Artaud appartient à l’une des plus importantes familles grassoises aux XVIIIe et XIXe siècle, à une époque où les négociants en parfumerie sont des figures incontournables de la vie économique et politique grassoise, jouant un rôle déterminant dans l’émergence de la parfumerie industrielle au XIXe siècle.
Marguerite Gérard est la fille du parfumeur grassois Claude Gérard. En 1775, elle est accueillie dans l’atelier du couple Fragonard, tous deux peintres et logés au Louvre à Paris. Collaboratrice régulière de Fragonard, Marguerite Gérard construit sa notoriété par la peinture de genre, peignant des scènes d’intérieurs souvent galantes, marquées par son goût pour l’école du Nord. Elle s’illustre également comme portraitiste des élites grassoises et provençales, en particulier à l’époque révolutionnaire. Le portrait des époux Artaud est aussi un portrait de société, offrant une rare représentation d’un intérieur bourgeois de Grasse à l’orée du XIXe siècle.