Théâtre aux Martigues
Signé en bas à droite : R. Dufy.
Dufy séjourne et peint à Martigues à plusieurs reprises en 1903, 1904 et 1906-07. L'intérêt de Dufy pour les scènes populaires est caractéristique de la production des années de jeunesse, avant qu'il ne devienne mondain. C'est en quelque sorte le pendant de tableaux représentant des scènes de la vie quotidienne en extérieur sur les marchés de Marseille, qui sont datés de la même époque. La salle de spectacle d'un village de pêcheurs comme Martigues est aussi populaire que les marchandes de légumes et de poissons de Marseille. La toile est précédée par plusieurs dessins (Marcel Guyon, Fanny Lafaille, Raoul Dufy, catalogue raisonné des dessins, Paris, 1991, n° 24, 25 et 26). Le premier d'entre eux est fait sur un papier à lettres d'hôtel qui nous indique que l'artiste descendait lors de son séjour dans la petite ville, à l'hôtel Philippon, Grand Hôtel du cours, dans le quartier de Jonquières, cours du 4 septembre, sur la même rue que le théâtre. Le second permet de dater la peinture de son premier séjour à Martigues : la mention Martigues 1903 est inscrite en bas à gauche, alors que l'en-tête de l'hôtel a été déchiré. L'intérêt de Dufy pour le spectacle se retrouve dans un tableau antérieur de 1902 représentant l'orchestre du théâtre du Havre (Lafaille et Guyon-Lafaille, 1985, n° 1821). Son intérêt pour la musique, lié à son milieu familial, devait se poursuivre et les portraits et scènes de musiciens se retrouvent durant toute sa carrière.
Du même séjour et dans la même veine date le tableau représentant un Bal, Les Martigues 1903 (Lafaille, 1972, n° 72) qui n'est pas très éloigné du Bal champêtre du Havre (Lafaille, 1972, n° 182) daté 1906 et pour lequel on possède des études préparatoires très proches de celles du théâtre.
Les trois dessins préparatoires à ce tableau sont des croquis pris sur le vif pendant le spectacle : ils s'attachent à rendre l'attitude attentive des spectateurs et à leur répartition dans la salle. Dans un tel tableau, l'intérêt est totalement recentré sur le spectateur et le spectacle est omis à tel point qu'on ne sait pas quel type de spectacle se déroule sur scène. L'orchestre, en contrebas à droite est à peine esquissé de façon à ne pas attirer l'attention du regardeur de tableau. Le traitement en réserve de la toile à peine couverte de matière picturale est un traitement qui s'apparente au fauvisme et que Dufy reprendra très souvent beaucoup plus tardivement. Un des dessins laisse entrevoir, dans la fosse d'orchestre le bras levé du chef. Les dessins montrent l'attention portée à la rambarde qui découpe l'espace de la salle obscure et donne un appui aux spectateurs. On retrouve sur la gauche l'étude des trois personnages de profil avec le chapeau posé au premier plan. Son aspect un peu caricatural évoque l'art de Daumier. L'espace a été repensé et simplifié dans la peinture : le point de vue du peintre permet de présenter la salle de profil, celle-ci ne comprend plus qu'un parterre et un balcon alors que la seconde étude décrivait une déclivité forte de ce parterre et le troisième dessin décrivait plusieurs balcons et loges au lieu du balcon à peine esquissé dans le tableau qui ferme la composition à gauche en hauteur. Dufy a cherché à rendre l'espace rétréci et l'atmosphère confinée du lieu en figurant le plafond : la perspective d'un cube simple est encore utilisée.
La tonalité brune dans laquelle s'inscrivent deux lumières jaunes plus violentes sur le mur du fond unifie le tableau : seule la couleur verte du rideau ou de la scène qui ferme le tableau à droite rappelle que le peintre s'oriente vers le fauvisme. Cette dominante brune se situe dans la lignée d'Honoré Daumier dont le tableau Le Drame (vers 1860, Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen Neue Pinakothek) comporte des éléments de caricature.
Informations détaillées :
Nom de l'artiste : DUFY Raoul
Genre : Photographie
Domaine 1 : Artistique
Domaine 2 : Représentation sociale
Datation : 1903 / 0 / 0
Période : Période contemporaine (1789 à nos jours)
Provenance : Hôtel Drouot, Paris
Dimensions : hauteur : 59 cm ; largeur : 80 cm
Matière : Huile sur toile
Technique : Peinture
Commission : 1990
N° inventaire : MZP 990-1-1
Bibliographie expositions : Bibliographie :
Maurice Lafaille, Raoul Dufy, catalogue raisonné de l'uvre peint, 1972-73 t. I, cat. n° 48.
Le musée rêvé, trésors contemporains des musées FRAM, Antibes, musée Picasso, 1991, p. 85.
François Bazzoli et Bernard Muntaner, Les Provences de la peinture 1850-1920, Marseille, 1993, éd. Jean-Michel Garçon, p. 40.
Jean-Louis Fabiani Paradoxe sur le bâtiment, Du Théâtre, hors-série n° 1, nov. 1994, p. 5-7.
Expositions :
1995, Marseille, Hôtel de région, Paris, musée du Luxembourg, Lisbonne, fondation Arpad Szenes et Helena Vieira da Silva, Les peintres de la couleur en Provence, 1875-1920, cat. p. 282-83.
1999, Lyon, musée des Beaux-arts, Barcelone, Museu Picasso, Raoul Dufy, cat. n° 6.